2/3 L’un a fait la France ; l’autre a largement contribué à la défaire… […] La question: «Que ferait de Gaulle?» n’est pas si sotte ni si vaine que cela car il a laissé une doctrine simple: celle du souverainisme selon laquelle le peuple est l’horizon indépassable de toute vérité politique, ce qui ne va pas sans l’indépendance de la France, une puissance et une force, une potentialité et une énergie à maintenir coûte que coûte. Le chef de l’État ne se sert pas de l’État mais il le sert, car il est lui-même un instrument au service de la volonté populaire. Le fin mot de la République est donc la consultation électorale qui permet de savoir ce que veut le peuple. Dans cette configuration, l’objectif du chef de l’État n’est pas de tout faire pour être élu ou réélu, mais de proposer un contrat social auquel seul le peuple peut consentir et qu’il est le seul à pouvoir rompre: l’élection permet en effet le mouvement politique par excellence, la dynamique démocratique - élection ...
L’enfant qui battait la campagne
Vous me copierez deux cents fois le verbe :
Je n’écoute pas. Je bats la campagne.
Je bats la campagne, tu bats la campagne,
Il bat la campagne à coups de bâton.
La campagne ? Pourquoi la battre ?
Elle ne m’a jamais rien fait.
C’est ma seule amie, la campagne.
Je baye aux corneilles, je cours la campagne.
Il ne faut jamais battre la campagne :
On pourrait casser un nid et ses oeufs.
On pourrait briser un iris, une herbe,
On pourrait fêler le cristal de l’eau.
Je n’écouterai pas la leçon.
Je ne battrai pas la campagne.
Claude Roy
________________Claude Roy est un poète, journaliste et écrivain français, né en 1915 et mort en 1997.
Note 1 : Battre la campagne est une expression qui signifie : déraisonner, divaguer, délirer. Dans un deuxième sens, en termes de chasse : parcourir le terrain de chasse dans tous les sens pour faire lever le gibier. Et plus généralement : parcourir de grandes étendues à la recherche de quelque chose ou quelqu'un.
Note 2 : La campagne est cet endroit où on trouve des grands prés, des champs cultivés, des fleurs, des fougères, des lapins de garenne, des arbres, des buissons, des paysans, des vaches et leurs bouses, des oiseaux autres que des pigeons et plein de ces merveilleuses autres choses qui, actuellement encore, constituent la nature.
Note 3 : L’aphorisme « Les villes devraient être construites à la campagne, l’air y est plus pur » n’est ni d’Alphonse Allais, ni d’Henry Monnier, à qui on l’attribue comme étant extrait de sa pièce Grandeur et décadence de M. Joseph Prudhomme (qui date de 1852), sans qu’une double lecture de cette pièce n’ait permis de le vérifier. L’idée en revient, en réalité, à Jean Louis Auguste Commerson, qui publia en 1851 les Pensées d’un emballeur, où l’on trouve : « Si l’on construisait actuellement des villes, on les bâtirait à la campagne, l’air y serait plus sain. » Il faut donc rendre à César ce qui lui appartient, même si une formulation plus heureuse a permis à Henry Monnier et Alphonse Allais de faire oublier le véritable inventeur de l’« idée » des villes à la campagne.
Note 4 : Claude Roy dit « Lorsqu'on a perdu toutes ses illusions, il reste encore à perdre l'illusion suprême qui est de se croire sans illusions. », un peu comme Bernanos fait dire dans Dialogue de carmélites par la Mère supérieure à Blanche de la Force – nous citons approximativement et de mémoire ( !) – « l’important, ma fille, n’est pas d’être détachée mais d’être détachée de son propre détachement. »
Note 5 : "Je baye aux corneilles" est une bien jolie expression un tantinet vieillotte qui retiendra l'attention de chacun ; elle signifie regarder bêtement en l'air. Quant aux corneilles, il s'agissait d'objets insignifiants, sans importance. Ici, l'enfant qui baye aux corneilles est donc bouche ouverte et regarde en l'air. Ne pas confondre donc avec bâiller.
Note 6 : "On pourrait fêler le cristal de l’eau"
: quelle belle, délicate et fragile image !
Commentaires
Enregistrer un commentaire