2/3 L’un a fait la France ; l’autre a largement contribué à la défaire… […] La question: «Que ferait de Gaulle?» n’est pas si sotte ni si vaine que cela car il a laissé une doctrine simple: celle du souverainisme selon laquelle le peuple est l’horizon indépassable de toute vérité politique, ce qui ne va pas sans l’indépendance de la France, une puissance et une force, une potentialité et une énergie à maintenir coûte que coûte. Le chef de l’État ne se sert pas de l’État mais il le sert, car il est lui-même un instrument au service de la volonté populaire. Le fin mot de la République est donc la consultation électorale qui permet de savoir ce que veut le peuple. Dans cette configuration, l’objectif du chef de l’État n’est pas de tout faire pour être élu ou réélu, mais de proposer un contrat social auquel seul le peuple peut consentir et qu’il est le seul à pouvoir rompre: l’élection permet en effet le mouvement politique par excellence, la dynamique démocratique - élection ...
Qu'un nom prenne ou non la majuscule, et tout change. Nous le voyons avec les mots Bohême et bohème. Bohême est tiré du latin Boihemum, « le pays des Boïens », ces derniers étant une tribu celte évoquée par César dans La Guerre des Gaules. Le deuxième élément de ce nom, -hemum, est peut-être à rattacher à une racine scandinave ham, que l’on retrouve dans hameau, dans l’allemand Heimat, « foyer, patrie ». Cette région, la Bohême, qui a Prague pour capitale, a vu naître de très grands artistes, comme Smetana, Dvorak et Janacek, ou encore Jaroslav Hasek, le père du Brave Soldat Chveik. Ce pays est aussi terre d’origine des bohémiens et, de la comparaison avec la vie errante et insouciante qu’on leur prête, est né le mot bohème, pour désigner une personne qui mène une vie vagabonde sans se soucier du lendemain et le mode de vie de cette personne. Si ce mot existe depuis le milieu du XVIIe siècle, c’est surtout au xIxe qu’il va être popularisé. La bohème va devenir, dans l’imaginaire courant, le mode de vie des artistes, avec des figures emblématiques comme Verlaine et Rimbaud, dont un des poèmes les plus fameux est d’ailleurs intitulé Ma Bohème, et qui écrit dans Sensation :
« Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, – Heureux comme avec une femme. »
Cette bohème est aussi celle des étudiants, perçus alors comme les lointains descendants des « goliards », ces étudiants frondeurs du Moyen Âge. C’est encore Rimbaud qui l’écrit, dans À la musique :
« Moi, je suis débraillé comme un étudiant. »
La bohème et les bohèmes vont ensuite devenir des objets de littérature. Nerval, dans La Bohème galante, évoque le temps où ses amis, parmi lesquels Houssaye, Gautier, Corot, et lui-même se réunissaient pour parler art et littérature. Mais c’est évidemment l’opéra de Puccini, La Bohème, d’après le roman d’Henri Murger, Scènes de la vie de bohème, qui va faire la fortune de ce terme en mettant en scène un peintre, un poète, un philosophe et un musicien, incarnations de cette manière d’être. C’est cette bohème, mélange de pauvreté insouciante et de jeunesse pleine d’espoir, qui sera chantée un siècle plus tard par Charles Aznavour. Et aujourd’hui ? Montmartre semble triste
Et les lilas sont morts
répond le chanteur.
Le bohème s’est allié au bourgeois et l’on ne sait plus s’ils forment encore un oxymore. Cette alliance qu’on aurait pu croire contre nature a donné naissance à l’abréviation « bobos », surnom que l’historien Pierre Hassner, parlant des gauches françaises de la deuxième partie du xxe siècle, avait déjà utilisé mais avec un autre sens, les bobos étant pour lui les bolcheviks-bonapartistes, qu’il opposait aux lilis, les libéraux-libertaires.
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