2/3 L’un a fait la France ; l’autre a largement contribué à la défaire… […] La question: «Que ferait de Gaulle?» n’est pas si sotte ni si vaine que cela car il a laissé une doctrine simple: celle du souverainisme selon laquelle le peuple est l’horizon indépassable de toute vérité politique, ce qui ne va pas sans l’indépendance de la France, une puissance et une force, une potentialité et une énergie à maintenir coûte que coûte. Le chef de l’État ne se sert pas de l’État mais il le sert, car il est lui-même un instrument au service de la volonté populaire. Le fin mot de la République est donc la consultation électorale qui permet de savoir ce que veut le peuple. Dans cette configuration, l’objectif du chef de l’État n’est pas de tout faire pour être élu ou réélu, mais de proposer un contrat social auquel seul le peuple peut consentir et qu’il est le seul à pouvoir rompre: l’élection permet en effet le mouvement politique par excellence, la dynamique démocratique - élection ...
Le Hareng saur est un poème de Charles Cros. Déjà célèbre en son temps, ce poème humoristique composé en 1872 est encore aujourd'hui très connu pour avoir été appris par cœur et récité par des générations d'écoliers.
Le poème a pour origine une histoire que Charles Cros raconta un soir à son fils pour le faire dormir.
Charles Cros lisait régulièrement ses poèmes en public, aussi bien chez des particuliers que dans des cafés ou des cabarets.
C'est au cours de l'une de ces lectures, que le comédien Coquelin cadet eut la révélation d'un genre nouveau, appelé tout simplement « monologue », qui allait faire fureur dans les années 1880. Et Coquelin cadet rédigea les commentaires sur l’art de le dire.
Ces conseils seront suivis à la lettre par Jean-Marc Tennberg qui fit découvrir par le biais de la télévision ce poème à une nouvelle et vaste audience. C’était dans les années 1960. (Malheureusement, impossible de trouver un enregistrement et encore moins de vidéo de ce poème récité par Jean-Marc Tennberg. Pas même sur le site de l'INA (Institut National de l'Audiovisuel). On rappellera enfin qu'à l'époque, sur la seule chaîne existante, Jean-Marc Tennberg récitait un poème chaque jour avant le journal télévisé... O tempora...
Voici donc le texte du poème de Charles Cros en rouge, les conseils de récitation de Coquelin cadet en noir, à la suite de chaque vers.
Le Hareng saur
Criez Le Hareng saur d'une voix forte. Ne bougez pas le corps, soyez d'une immobilité absolue. En disant ce titre, il faut que le public ait le sentiment d'une ligne noire se détachant sur un fond blanc.
Il était un grand mur blanc — nu, nu, nu,
Qu'on sente le mur droit, rigide, et comme il serait ennuyeux et aussi monotone que cela, rompez la monotonie : allongez le son au troisième nu, cela agrandit le mur, et en donne presque la dimension à ceux qui vous écoutent.
Contre le mur une échelle — haute, haute, haute,
Même intention et même intonation que pour la première ligne, et pour donner l'idée d'une échelle bien haute, envoyez en voix de fausset (note absolument imprévue) le dernier mot haute, ceci fera rire et vous serez en règle avec la fantaisie.
Et, par terre, un hareng saur — sec, sec, sec.
Indiquez du doigt la terre, et dites hareng saur sec avec une physionomie pauvre qui appelle l'intérêt sur ce malheureux hareng, la voix sera naturellement très sèche pour dire les trois adjectifs sec, sec, sec.
Il vient, tenant dans ses mains — sales, sales, sales,
Soutenez la voix et qu'on sente le rythme dans les autres strophes comme dans la première. Il c'est le personnage, on ne sait pas qui c'est Il. Qu'on le voie, montrez-le, cet Il qui vous émeut, vous acteur, et peignez le dégoût qu'inspire un homme qui ne se lave jamais les mains en disant sales, sales, sales.
Un marteau lourd, un grand clou — pointu, pointu, pointu,
Baissez une épaule comme si vous portiez un marteau trop lourd pour vous, et montrez le clou, en dirigeant l'index vers les spectateurs et appuyez bien sur pointu, pointu, pointu pour que le clou entre bien dans l'attention générale.
Un peloton de ficelle — gros, gros, gros.
Écartez les mains, éloignez-les des hanches par degré à chaque gros, gros, gros. Il est chargé, un marteau lourd, un grand clou pointu, et un énorme peleton, ce n'est pas peu de chose, il faut montrer cette charge sous laquelle ploie le pauvre.
Alors il monte à l'échelle — haute, haute, haute,
Même jeu pour les haute que précédemment, la note aiguë à la fin, cette insistance peut faire rire. Musical.
Et plante le clou pointu — toc, toc, toc,
Gestes d'un homme qui enfonce un clou avec un marteau, faire résonner les toc avec force, sans changer le son.
Tout en haut du grand mur blanc — nu, nu, nu.
Gardez le ton de voix très solide, allongez de nouveau le dernier nu, et faites un geste plat de la main pour montrer l'égalité du mur.
Il laisse aller le marteau — qui tombe, qui tombe, qui tombe,
Baissez le diapason par degré pour donner l'idée d'un marteau qui tombe. Vous regardez le public au premier qui tombe, aussi au second vous envoyez un regard par terre avant le troisième, et un autre regard au public en disant le troisième qui tombe et attendez l'effet qui doit se produire.
Attache au clou la ficelle — longue, longue, longue,
Allongez par degré le son sur longue, et que le dernier longue soit d'une longueur immense, un couac au milieu de l'intonation finale donnera un ragoût très comique au mot.
Et, au bout, le hareng saur — sec, sec, sec.
Appuyez d'un air de plus en plus piteux sur le troisième sec.
L'emporte avec le marteau — lourd, lourd, lourd,
Pliez sous le faix en vous en allant. Vous êtes brisé, vous n'en pouvez plus, ce marteau est très lourd, ne l'oubliez pas.
Et puis, il s'en va ailleurs — loin, loin, loin.
Graduez les loin, au troisième vous pourrez mettre votre main comme un auvent sur vos yeux pour voir Il à une distance considérable, et après l'avoir aperçu là-bas, là-bas, vous direz le dernier loin.
Et, depuis, le hareng saur — sec, sec, sec,
De plus en plus pitoyable.
Au bout de cette ficelle — longue, longue, longue,
Allongez d'un air très mélancolique la voix sur les longue, toujours avec couac ; ne craignez pas, c'est une scie.
Très lentement se balance — toujours, toujours, toujours.
Bien triste. Et geste d'escarpolette à toujours, toujours, toujours. Terminez bien en baissant la voix le troisième toujours, car le récit est fini. La dernière strophe n'est pour l'auditoire qu'un consolant post-scriptum.
J'ai composé cette histoire — simple, simple, simple,
Appuyez sur simple, pour faire dire au public : « Oh ! oui ! simple ! »
Pour mettre en fureur les gens — graves, graves, graves,
Très compassé; qu'on sente les hautes cravates blanches officielles qui n'aiment pas ce genre de plaisanterie. Ouvrez démesurément la bouche au troisième grave, comme un M. Prudhomme très offensé.
Et amuser les enfants — petits, petits, petits.
Très gentiment avec un sourire, baissez graduellement la main à chaque petits pour indiquer la hauteur et l'âge des enfants. Saluez et sortez vite.
Charles Cros
In Le Coffret de Santal
1873
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